éditorial : poussières de bois
Poussières de bois : une question de mesure(s)
En matière de poussières, la règle française est sévère, la recherche avance, les aides sont là. Aux professionnels de les saisir.
A vec une “valeur limite d'exposition professionnelle” aujourd'hui
fixée à 1 mg/m3, la réglementation française en matière de prévention
des maladies liées aux poussières de bois pose un cadre très exigeant.
Si l'Europe reste officiellement à 5 mg/m3, même si outre-Rhin par
exemple, on a aussi réduit la dose admissible, les entreprises
françaises de l'ensemble de la filière bois ont à faire face à un
challenge difficile.
Elles ont pu s'étonner en d'autres temps de la rigueur avec laquelle
elles sont traitées, dans un pays qui a découvert assez tardivement le
“principe de précaution”. Les dossiers du sang contaminé, puis de
l'amiante sont passés par là. Ces mesures contraignantes ne se
manifestent pas de la même manière en forêt, en scierie, en atelier de
menuiserie ou dans le bâtiment. Les spécificités des métiers, les
machines mises en œuvre, les rythmes de travail exigent des réponses
adaptées.
Et pour réaliser une installation capable de rester en dessous du
milligramme par m3, encore faut-il disposer des outils de mesure
fiables, capables de tenir compte de situations diverses. Les
conditions de travail (en forêt ou sur un chantier), les rythmes
(travail en continu sur une machine à forte émission de poussière ou
avec des outils portatifs…) demandent des instruments aptes à décrire
la réalité du risque pour une personne, dans un environnement donné.
C'est une des questions essentielles que se poseront les scientifiques
à Strasbourg lors du congrès Wood dust 2006. C'est une chose de
mesurer, c'en est une autre de trouver des solutions, pourquoi pas
intermédiaires, pour limiter le poids des poussières sur les lieux de
travail. Et si la réglementation française est sévère, les dispositifs
d'assistance dont les professionnels du bois peuvent bénéficier sont
nombreux. Ils ne le savent peut-être pas assez. C'est généralement par
le réseau de la médecine du travail, de la Sécurité sociale, que les
entreprises doivent engager la première réflexion sur le risque
“poussières de bois”.
Lorsque la volonté est là, lorsque la décision est prise de rénover, de
repenser, ou de créer une installation de traitement des poussières de
bois, le chef d'entreprise doit se tourner vers ces interlocuteurs-là.
Les caisses régionales d'assurance maladie doivent être en l'occurrence
ses premiers partenaires. A lui d'être exigeant. Les entreprises sont
prêtes à relever le défi d'une règle contraignante. Encore faut-il
qu'elles trouvent auprès de ces organismes un écho à la hauteur de leur
motivation. L'expérience des premiers dossiers a montré qu'il fallait
parfois une patience et une opiniâtreté certaines face à
l'administration mais, les aides financières sont souvent conséquentes.
Elles sont bien sûr conditionnées par des aspects techniques. Là
encore, des organismes experts sont là pour assister l'entreprise tout
au long de la démarche. Il est évidemment essentiel de faire appel à un
œil extérieur, lors de l'étude de départ, qui doit identifier les
besoins et lors du choix du matériel optimal, adapté à l'activité.
Là aussi chercheurs, industriels et organismes chargés de la veille
sanitaire se retrouvent. De nombreux concepteurs de matériels
d'aspiration travaillent à partir de prototypes élaborés dans les
laboratoires de l'INRS. Des avancées techniques qu'ils développent à
leur tour.
Si l'on en croit les estimations des experts du CTBA, l'aspect
drastique de la norme est à relativiser. Environ un tiers des
entreprises concernées par les poussières de bois seraient “dans les
clous”, un tiers auraient besoin d'un accompagnement simple, ne
nécessitant pas d'investissement disproportionné. Le dernier tiers, le
plus critique, regroupe les entreprises, de toutes tailles, dans
lesquelles les problèmes se cumulent : difficulté de mesure, difficulté
de mise à niveau des installations, difficultés de niveau d'activités
et… de trésorerie.
Ce sont ces dernières qui doivent mobiliser l'attention des partenaires
cités plus haut. Pour leur part, les services garants de la santé
publique au travail assurent que leur disponibilité est totale. Du côté
des chercheurs, les liens s'affirment avec les industriels capables de
produire des installations toujours plus performantes. Du côté des
professionnels du bois les moyens en termes d'expertise et la volonté
d'avancer sont là.
Alain Le Tirilly